SAN FRANCISCO, CALIFORNIE. – 3 octobre 2025 — Les rues de l’Ouest américain voient défiler le futur, mais ce progrès a un prix. Alors que les véhicules autonomes de sociétés comme Waymo et Cruise s’implantent en Californie et en Arizona, l’arrivée des robotaxis sans conducteur soulève une question fondamentale : la révolution de la mobilité est-elle aussi une vague massive de destruction d’emplois pour des millions de chauffeurs humains ?
L’Automatisation, Nouveau Chômage Technique
L’industrie clame que la technologie est mûre, et les chiffres sont éloquents. Les véhicules autonomes éliminent l’erreur humaine, cause de plus de 90 % des accidents, et promettent d’améliorer l’efficacité du trafic. Cependant, ce que les pionniers du secteur appellent « efficacité », les travailleurs du transport y voient la menace d’une diminution drastique du travail humain.
Le secteur des transports et de la logistique, qui emploie des millions de personnes (chauffeurs de taxi, VTC, camionneurs, livreurs), est directement visé. Si San Francisco et Phoenix sont aujourd’hui les laboratoires des robotaxis, la généralisation de cette technologie réduirait à terme le besoin en main-d’œuvre pour :
- Le transport de passagers (Taxis/VTC) : La demande de chauffeurs humains, déjà soumis à une forte concurrence, pourrait s’effondrer dès que la législation le permettra. Le robotaxi travaille 24/7, ne prend pas de pause et ne demande pas de salaire.
- La Logistique : À terme, les camions et véhicules de livraison autonomes menacent les emplois de transporteurs longue distance.
La Réglementation, Dernier Rempart des Emplois ?
Paradoxalement, les règles de sécurité strictes et la prudence des régulateurs — souvent décriées par les entreprises technologiques — agissent comme un pare-feu temporaire contre une suppression d’emplois trop rapide.
À San Francisco, la résistance des autorités, justifiée par des incidents et la nécessité du « principe de précaution », freine le déploiement massif et protège, de facto, la main-d’œuvre actuelle. Chaque nouvelle restriction imposée à Waymo ou Cruise représente un sursis pour les chauffeurs humains de la ville.
Inversement, l’approche souple adoptée par l’Arizona accélère la transition. Si Phoenix est un succès pour l’innovation, elle est aussi un banc d’essai pour une mobilité urbaine où l’opérateur humain est devenu superflu.
Le Dilemme du Progrès
Les défenseurs de la technologie insistent sur le fait que ces emplois seront remplacés par de nouveaux rôles dans la surveillance à distance, la maintenance et la programmation des flottes autonomes. Cependant, ces nouveaux emplois hautement qualifiés ne compenseront pas nécessairement, ni quantitativement ni socialement, la perte des emplois de conduite accessibles sans qualification universitaire.
Les régulateurs de Californie se trouvent ainsi au centre d’un dilemme socio-économique :
- Accélérer l’innovation pour la sécurité routière et l’écologie (réduction des émissions).
- Freiner l’automatisation pour protéger la structure de l’emploi et éviter une crise sociale dans le secteur des transports.
Pour l’instant, c’est l’incertitude qui prévaut. L’expansion des robotaxis dans l’Ouest est la preuve que le progrès technique est inéluctable. La question n’est plus de savoir si les chauffeurs seront remplacés, mais quand, et quelle sera l’aide apportée à ces millions de travailleurs dont la compétence principale est en voie d’automatisation.