Port-au-Prince, Haïti – Octobre 2025
En dépit de l’effondrement économique et de l’insécurité sans précédent en Haïti, la République dominicaine continue de prospérer grâce à son marché voisin. Les chiffres officiels confirment cette réalité : les exportations dominicaines vers Haïti ont atteint 775,8 millions de dollars américains entre janvier et août 2025, marquant une hausse spectaculaire de plus de 32 % par rapport à la même période en 2024.
Ces données, publiées par la Direction générale des douanes dominicaines (DGA), soulignent un paradoxe croissant : plus la production locale haïtienne s’effondre, plus la demande pour les produits dominicains s’accentue.
Un marché haïtien inondé de produits essentiels
Le moteur de cette croissance est l’exportation de produits de première nécessité devenus vitaux pour la population haïtienne. La liste des produits dominicains est longue et touche l’essentiel de la vie quotidienne :
- Matériaux de construction : Ciment et fers à béton, cruciaux pour un pays en reconstruction permanente.
- Agro-industrie et produits manufacturés : Huiles alimentaires, œufs, biscuits, boissons et alcools éthyliques.
- Textiles et divers : Vêtements (maillots, t-shirts, chemisettes), quincaillerie, et articles industriels divers.
L’omniprésence de ces produits, de la petite marchande du marché Tèt Dlo aux grands supermarchés de Port-au-Prince, est le miroir d’une incapacité grandissante d’Haïti à subvenir à ses propres besoins.
“Tout ce qu’on vend vient de la République dominicaine. Chez nous, rien ne bouge. L’économie s’enfonce chaque jour un peu plus,” déplore Marie-Jeanne, une marchande de Port-au-Prince, illustrant le désarroi général face à l’inflation galopante.
⚖️ Le fossé abyssal d’une balance commerciale à sens unique
L’accélération des exportations dominicaines se fait au détriment d’une économie haïtienne en profonde récession.
Une production haïtienne asphyxiée
Les industries et l’agriculture locales haïtiennes sont étranglées par un cocktail de facteurs limitants :
- Insécurité généralisée : Le blocage des accès aux zones de production et la flambée des coûts de transport paralysent l’activité.
- Crise énergétique : Le manque chronique d’électricité empêche toute tentative de production à grande échelle.
- Dévaluation de la gourde : La monnaie nationale a perdu près de 18 % de sa valeur depuis le début de l’année, rendant les importations plus coûteuses et affaiblissant le pouvoir d’achat.
Pendant que la République dominicaine consolide sa position de premier partenaire commercial d’Haïti, les exportations haïtiennes stagnent à un niveau insignifiant, creusant un déficit commercial structurel entre les deux nations.
L’inquiétante dépendance
Cette dynamique commerciale, bien qu’apportant un court répit aux consommateurs haïtiens par la disponibilité des biens, pose une sérieuse question de souveraineté économique.
Un économiste de l’Université d’État d’Haïti tire la sonnette d’alarme : “Nous dépendons de plus en plus de la République dominicaine. Chaque jour, le fossé se creuse entre ce que nous consommons et ce que nous produisons.”
Sans une politique industrielle et agricole volontariste visant à revitaliser la production locale et à stabiliser les institutions, les experts craignent une dépendance totale et irréversible aux importations dominicaines, menaçant la stabilité à long terme de l’économie haïtienne.




